Pour une économie plus humaine, le social business selon Yunus

« Pour une économie plus humaine», c’est le titre de l’édition française  du livre du Pr. Muhammad Yunus, fondateur du Grameen Bank et Prix Nobel de la Paix 2006, sur ce concept dont il est l’inventeur et le premier promoteur : le social business.

Cela reflète bien une des caractéristiques essentielles de ce type d’entreprise à forte finalité sociale, mais durable parce que rentable : elle donne du sens, elle réhabilite le pouvoir du rêve par le pragmatisme d’expériences concrètes où chacun peut apporter sa contribution.

Le social business, comme prolongement du micro-crédit. Visionnaire et pragmatique, voyant que le micro-crédit ne peut, à lui seul, résoudre toutes les facettes de la pauvreté, Muhammad Yunus élargit sa démarche en expérimentant des solutions inédites d’une nouvelle forme de capitalisme et d’un nouveau type d’entreprise qui vise à apporter des solutions à des problématiques sociales, économiques ou environnementales : l’alimentation, l’eau potable, la santé, l’habitat, la pollution, l’éducation… L’ambition reste haute : éradiquer la pauvreté et la reléguer dans un musée !

Le social business selon Yunus, c’est une activité qui répond à une cause sociale, qui doit réussir à couvrir ses coûts et ne pas générer de pertes (non-loss company) et dont le développement permet aux investisseurs de récupérer leur capital initial et, si possible, de dégager des bénéfices qui seront réinvestis dans l’activité afin d’avoir un plus grand impact social (non-dividend company).

Dans cette intervention (4’36 ») pour Ashoka en décembre 2006 , le Pr. Yunus décrit la genèse de sa définition du social business à partir des expériences Grameen.

Une des initiatives emblématiques de social business est le joint venture avec Danone : Grameen Danone Foods Ltd dont la finalité est d’améliorer la santé des enfants grâce à un yaourt enrichi en micronutriments : le Shokti Doi. Les ventes de ce yaourt ont démarré en 2007;  fin 2011, les premières mesures d’impact ont été publiées par l’ONG GAIN (Global Alliance for Improved Nutrition) et l’Université John Hopkins. Une ONG qui finance la mesure d’impact social d’une multinationale, nous avons véritablement changé de paradigme !

Emmanuel Faber, vice-président de Danone, explique dans cette interview (6’26 ») à la télévision québecoise, sa définition du social business, les raisons d’être de ce type d’initiative dans l’entreprise d’aujourd’hui et les avantages d’une « zone démilitarisée » de co-construction et d’innovation sociale entre entreprises et partenaires sociaux.

D’autres grands groupes internationaux ont également initié des activités d’un genre nouveau en partenariat avec Grameen : Veolia, Adidas, BASF, le japonais Uniqlo ou encore Intel…

La présentation des principes du Social Business que Muhammad Yunus a faite en janvier 2009 au World Economic Forum de Davos est très intéressante.  Il y décrit les 6 grands principes et, à la dernière minute, en rajoute même un septième, composante essentielle et caractéristique de ces projets qui révèlent l’altruisme de l’être humain : « Do it with joy !« .

Cette mention manuscrite signe d’ailleurs chaque page de ce blog 😉  C’est un puissant moteur de changement… et un bon critère de discernement personnel et organisationnel !

Six (sept !) principes d’un social business

  1. L’objectif de l’entreprise consiste à lutter contre la pauvreté ou à répondre à un ou plusieurs problèmes (en matière d’éducation, de santé, d’accès aux technologies, d’environnement, etc.) qui menacent les individus et la société – et non à maximiser le profit.
  2. L’entreprise parviendra à s’autofinancer
  3. Les investisseurs récupéreront uniquement le montant de leur investissement. Ils ne percevront aucun dividende.
  4. Quand le montant de l’investissement aura été remboursé, les profits réalisés par l’entreprise seront consacrés à son expansion et à l’optimisation de ses processus industriels.
  5. L’entreprise sera respectueuse de l’environnement.
  6.  Des employés payés au prix du marché avec de meilleures conditions de travail
  7. Faites-le dans la joie !

Plus qu’une crise économique, ne vivons-nous pas une crise de l’économie ? La construction théorique même du capitalisme repose sur une conception erronée de la nature humaine : les personnes au cœur d’une activité économique n’auraient que pour but exclusif la maximisation du profit. Cette théorie classique de l’économie veut en effet que l’intérêt général résulte de la poursuite par chacun de son propre intérêt individuel. Ne serions-nous donc que des « machines à fric » ? Non, l’être humain peut aussi être désintéressé ! Le succès ne se mesure pas uniquement en termes monétaires mais aussi en termes d’impact, un aspect souvent absent de la théorie économique !

Réconcilier social et business, entreprises privées et acteurs sociaux, pour co-construire ensemble des solutions innovantes aux problématiques trop souvent oubliées ou trop vite classées « mission impossible » est un enjeu majeur pour construire un nouvel art de vivre ensemble, où la fin et les moyens ne sont pas confondus.

Michael PorterLa raison d’être essentielle d’une entreprise réside dans la création de valeur pour la société dans son ensemble. La volonté de créer de la valeur partagée place les bénéfices environnementaux et sociaux au même rang que les bénéfices financiers, au cœur de la logique compétitive de l’entreprise (voir le concept de shared value développé par Michael Porter) .

Social et business, vers la création de valeur partagée !

« Le but de la vie n’est pas de faire de l’argent mais d’être heureux et d’aider les autres à être heureux » Muhammad Yunus

« L’absence d’être, voilà ce dont meurt notre économie. L’économie, c’est l’art de vivre ensemble. Je regarde autour de moi ; je regarde en moi, je ne vois pas beaucoup d’art, pas beaucoup de vivre, pas beaucoup d’ensemble » Emmanuel Faber

Quel est le style de leadership développé par Muhammad Yunus et au sein de la Grameen Bank ? C’est au cœur de l’article « Le leadership au cœur d’un processus social » publié dans les Cahiers de SoL (Society for Organizational Learning) en novembre 2005. Dans cet entretien mené par Laurent Marbacher, Yunus  décrit bien comment Grameen Bank permet aux pauvres de gouter au succès pas à pas et que tout change quand les personnes découvrent qui elles sont ! Il nous invite déjà avec force à élargir notre conception du capitalisme, pour l’humaniser.

A propos Nicolas Cordier

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